Asie du sud-est

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Introduction

Ce rapport concerne les aspects connectivité et accès de la vision de la société d’information en Asie du Sud-Est et présente un cadre évolutif pour comparer la maturité des différentes sociétés de l’information. C’est en Asie du Sud-Est que l’on trouve les économies connaissant la plus forte croissance dans le monde et quelques très grandes compagnies de technologies de l’information et de la communication (TIC). Cette région apporte son propre ton et sa particularité à la diffusion des TIC dans le monde. Elle présente une grande diversité de contextes de télécoms et de radiodiffusion allant de la très faible télédensité du Laos et du Cambodge à des info-sociétés avancées comme Singapour, où l’accès universel de base aux télécoms est chose faite.

Pour les différents pays de la région, la vision de la société de l’information doit s’élaborer en parallèle avec d’autres objectifs socioéconomiques et les renforcer – après tout, la fracture numérique est partiellement le reflet des fractures sociopolitiques et économiques en général. Pour surmonter cette fracture, il faut donc viser également d’autres cibles, comme les objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) concernant la faim, les niveaux de pauvreté, l’éducation, l’inégalité entre les sexes, la mortalité infantile, la santé et l’environnement.

Cadres d’analyse de l’info-structure numérique

Le cadre comparatif utilisé se fonde sur les « 8 C » de l’économie numérique, soit huit paramètres qui commencent par la lettre C : connectivité, contenu, communauté, commerce, culture, capacité, coopération et capital. On peut envisager les TIC de deux façons : comme un instrument et comme un secteur. Comme instrument, les TIC abordables et utilisables peuvent effectivement transformer les sociétés, la façon dont elles travaillent, se divertissent, étudient, gouvernent et vivent – aux niveaux individuel, organisationnel, sectoriel, professionnel et national. En tant que secteur, les TIC représentent un secteur économique croissant qui englobe le matériel, les logiciels, les télécoms/datacoms et les services de consultation (voir tableau 1).

Tableau 1 : Les 8 C de la société de l’information

Les TIC comme instrument

Les TIC comme secteur

Connectivité

À quel point les TIC sont-ils abordables et généralisés (PC, accès internet, logiciels) pour l’habitant moyen?

Le pays a-t-il des industries de fabrication de TIC : matériel, logiciels, solutions datacom et services?

Contenu

Existe-t-il un contenu utile (étranger et local) que l’on puisse utiliser dans la vie quotidienne?

Le contenu est-il produit dans les langues locales et des interfaces localisées? Est-il accessible et utilisé à l’étranger?

Communauté

Existe-t-il des forums en ligne/hors ligne où l’on puisse discuter des TIC et d’autres questions?

Le pays est-il un carrefour de discussion et de forums pour l’industrie des TIC dans le monde?

Commerce

Existe-t-il une infrastructure (technique, légale) pour le commerce en ligne destiné aux particuliers, aux entreprises et au gouvernement? Quelle part du commerce est effectuée par voie électronique?

Le pays possède-t-il une technologie et des services de commerce électronique en propre? Sont-ils exportés?

Capacité

Les particuliers et les organisations ont-elles les capacités humaines nécessaires  (technique, gestion, politique, juridique) pour exploiter efficacement les TIC dans la vie quotidienne?

Le pays a-t-il les capacités humaines nécessaires (technique, gestion, politique, juridique) pour créer et exporter les TIC et fixer des normes?

Culture

Existe-t-il une culture prospective, ouverte et progressive au niveau des décideurs, des entreprises, des éducateurs, des citoyens et des médias pour ouvrir l’accès aux TIC et les exploiter? Ou y-a-t-il frilosité et phobies quant aux effets culturels et politiques des TIC?

Existe-t-il des adeptes de la technologie, des entrepreneurs et des gestionnaires suffisamment entreprenants et avisés pour créer des entreprises locales et s’étendre au niveau mondial?

Coopération

Y a-t-il suffisamment de coopération entre les particuliers, les entreprises, les universitaires, les organisations non gouvernementales et les décideurs pour créer un climat favorable aux TIC?

Existe-t-il un environnement réglementaire favorable pour créer des compagnies de TIC, permettre les fusions et les acquisitions et créer des liens avec la diaspora?

Capital

Y a-t-il suffisamment de ressources financières pour investir dans les infrastructures et l’éducation TIC? Quel est le niveau de l’investissement direct étranger (IDE) ?

Existe-t-il un secteur de capital-risque national? Investit-on aussi à l’étranger? Combien d’acteurs internationaux sont actifs sur le marché boursier local privé? Existe-t-il une bourse pour l’inscription des titres?

 

Accès à l’info-structure numérique en Asie du Sud-Est

Le cadre des 8 C permet de déterminer ce que représente la mise en œuvre de la vision des sociétés du savoir en Asie du Sud-Est : expansion de la diffusion et de l’adoption des TIC, généralisation des projets pilotes de TIC, pérennité et viabilité des initiatives de TIC, création d’industries de TIC et analyse systématique de la société de l’information mondiale. Le tableau 2 montre certains aspects fondamentaux de l’accès aux TIC et des politiques en Asie du Sud-Est.

 

Tableau 2 : Infrastructure numérique en Asie du Sud-Est

Pays

Aspects importants de l’infrastructure et des politiques numériques

Principales difficultés

Cambodge

1. Formulation de la politique nationale des TIC par l’agence nationale de développement des TIC
2. Soutien du secteur civil international aux projets et aux politiques de TIC

1. Harmonisation interministérielle des initiatives de TIC
2. Contenu local en langue khmer

Indonésie

1. Réseau d’éducation nationale
2. Essais du Wimax pour l’accès internet large bande
3. Pénétration rapide du mobile (11 opérateurs, plus de 100 millions d’abonnés)

1. Expansion de l’accès numérique en dehors des îles principales comme Java
2. Assez peu de dépenses publiques consacrées aux TIC
3. Manque de coordination interministérielle pour la politique de TIC

Laos

1. Ouverture à l’IDE pour créer l’infrastructure des télécoms
2. Pénétration croissante du mobile (dépasse déjà le nombre de lignes fixes)

1. Isolement politique et commercial
2. Faible pénétration des télécoms dans les régions rurales
3. Rythme insuffisant des réformes réglementaires
4. Peu de participation de la diaspora laotienne aux initiatives de TIC

Malaisie

1. Forte implication des pouvoirs publics dans la vision de la société du savoir, super corridor multimédia
2. Initiatives commerciales de Wimax pour l’accès internet large bande
3. Forte pénétration du mobile

1. Turbulences politiques, impacts sur la liberté d’expression (arrestation de bloggeurs)

Myanmar

1. Plus grand projet de super autoroute de l’information de la sous-région du Mékong

1. Politiques gouvernementales restrictives à l’égard de la libre circulation de l’information

Philippines

1. Passerelle de câble Asie-Amérique de PLDT
2. Soutien intersectoriel au plan de développement des Philippines à moyen terme (2005-2010) et programme de corridor de cyber-services des Philippines
3. Soutien à la téléphonie sur protocole internet (VoIP), formation en TIC, secteur de l’externalisation des processus d’affaires, télécentres
4. Utilisation très répandue du téléphone mobile; capitale mondiale du SMS

1. Accès internet dans les régions rurales
2. Faible pénétration de la large bande

Singapour

1. Projet de « nation intelligente 2015 », réseau large bande national
2. Communication active avec l’industrie des TIC mondiale
3. Agences gouvernementales fortes, par exemple InfoComm Development Authority (IDA), Media Development Authority (MDA)

1. Combler le fossé entre les groupes à revenus élevés et faibles en matière de large bande
2. Questions de contenu inapproprié, piratage numérique

Thaïlande

1. Soutien actif de la Commission nationale des télécommunications
2. Saine concurrence entre les acteurs de l’infrastructure
3. Licences accordées pour la troisième génération (3G), Wimax

1. Améliorer l’accès internet en dehors des grandes villes comme Bangkok
2. Faible pénétration de la large bande
3. Turbulences politiques qui influent sur le climat d’investissement

Vietnam

1. Réglementation permettant plus d’IDE dans le secteur des TIC
2. 60 % de pénétration du mobile, opérateurs de réseau virtuel mobile (MVNO) ; le pays a une population très jeune qui alimente la demande
3. Lancement du premier satellite de télécoms du Vietnam

1. Tarifs élevés, faible utilisation de la large bande

 

La fracture numérique dans les pays en développement de l’Asie du Sud-Est (comme le Laos et le Cambodge) est plus marquée à l’étape de la connectivité. Plusieurs mesures sont possibles pour réduire cet écart numérique : abaisser les tarifs sur l’importation des ordinateurs et des modems, créer des centres communautaires d’accès internet (avec location de lignes et partage des appareils) et autres initiatives d’accès public (comme les kiosques de téléphones publics), ou encore abaisser les taux d’accès en créant un climat favorable à la concurrence entre les fournisseurs de service internet et les opérateurs mobiles.

Les nouvelles économies émergentes de l’Asie du Sud-Est doivent notamment créer des règles de jeu équitables entre les fournisseurs de service étatiques ou financés par l’État et ceux du secteur privé. Le coût de l’accès commuté et des lignes louées diminue, mais il pourrait être encore plus abordable. L’adoption de l’intranet et de l’extranet par les entreprises ne fait que commencer dans certains pays. Les entités du secteur public offrent un grand potentiel, par exemple les réseaux d’électricité et des chemins de fer, qui possèdent des connexions de câble sécurisées dans toute la région.

Des problèmes surgissent au moment de poser des câbles entre des pays possédant des régions montagneuses, de grandes superficies arides ou une forte densité d’îles. À cet égard, il existe des possibilités intéressantes, notamment l’accès sans fil, allant de la téléphonie cellulaire et des circuits locaux sans fil en passant par les réseaux Wifi et Wimax et les liaisons par satellite pour le trafic voix et données.

La fracture numérique concerne également le contenu, que ce soit le nombre de sites web, la quantité de contenus en langue locale et l’utilisation du contenu en ligne par les principaux secteurs, comme le gouvernement et les systèmes d’éducation et de santé. Dans le monde du réseautage social et du contenu large bande d’aujourd’hui, le boom des sites comme YouTube, Facebook et MySpace n’est pas encore possible dans certains pays non numérisés de l’Asie du Sud-Est. Par exemple, jusqu’à très récemment, l’absence de normes pour représenter les caractères khmers était un obstacle majeur à l’expansion du contenu numérique au Cambodge. D’autres problèmes surgissent dans le cas des langues pour lesquelles les noms de domaine internet et les adresses de courrier électronique doivent être tapées en alphabet latin et non dans les langues locales.

Pour les pays en développement de l’Asie du Sud-Est, la diaspora joue souvent un rôle important. En fait, des pays comme l’Inde, la Corée du Sud et Taïwan sont de bons exemples de participation de la diaspora, qui a contribué à lancer et mondialiser les secteurs nationaux de TIC. Ce n’est pas encore le cas dans les pays comme le Laos et le Cambodge.

Quant à l’investissement dans les logiciels, on pourrait encourager l’utilisation des logiciels libres et des progiciels et autres outils dans la mesure du possible plutôt que de dépendre des solutions propriétaires. Il s’agit notamment du système d’exploitation Linux et des serveurs Web Apache pour la publication numérique. Il faut davantage de forums ouverts dans la région. Le Programme d’information au développement Asie-Pacifique (APDIP) du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a lancé un certain nombre de projets importants dans ce domaine et le forum e-ASEAN a contribué à synchroniser et harmoniser les initiatives régionales.

Selon le rapport 2008 sur les indicateurs de télécommunication/TIC en Asie-Pacifique de l’Union internationale des télécommunications, on compte de plus en plus d’internautes dans la région Asie-Pacifique à mesure que les nouveaux marchés tirent parti du téléphone mobile pour en faire la principale forme d’accès[1].

Dans les économies à revenus moyens-supérieurs et élevés de l’Asie du Sud-Est, l’accès progresse grâce à la concurrence effrénée pour assurer des débits de plus en plus rapides et le déploiement de technologies large bande mobiles à des prix toujours plus bas. Dans la plupart des économies à faible et moyen revenus, le téléphone mobile remplace les lignes fixes insuffisantes et l’accès large bande fixe. La Thaïlande compte 5 millions d’utilisateurs qui accèdent à l’internet sur leur mobile, soit 40 % des internautes du pays. En Malaisie et aux Philippines, plus de 10 % des internautes se servent de leur téléphone mobile pour accéder à l’internet.

Le coût des appareils continue d’être un obstacle dans les pays les moins avancés (PMA) ; il fait surmonter l’obstacle psychologique des 10 dollars. Les opérateurs de téléphonie mobile sont très présents dans les PMA avec des offres à forfait comprenant la connexion et l’appareil. La seule façon de pénétrer dans ces régions est de baisser les prix.

Pour l’accès rural, les besoins en informations et connaissances doivent être évalués et les aspirations des communautés rurales devraient être au cœur des initiatives de TIC pour le développement. Tout ce qui concerne la conception de l’interface utilisateur, l’architecture de l’information, la langue de présentation et de communication de l’information par les médias alternatifs (comme la radio communautaire) devrait être prioritaire. La gestion du savoir, la production et la diffusion de modèles doivent être activement étudiés pour aider les communautés rurales à passer de l’information au savoir grâce aux télécentres de village.

Pour améliorer l’accès au mobile en zone rurale, il ne suffit pas de créer des réseaux et de baisser le coût des appareils, il faut également offrir un large éventail d’applications comme les actualités, des contenus commerciaux et des services transactionnels. Il faut également offrir un contenu local dans les différentes langues et créer des plans tarifaires plus simples.

Comparaison régionale

Le cadre des 8 C permet de diviser les pays de l’Asie-Pacifique en huit catégories : restrictif, embryonnaire, émergent, en négociation, intermédiaire, évolué, avancé et établissement de programmes. La diffusion des TIC dans la population, la force des contenus en ligne et des secteurs culturels et la projection des industries nationales de TIC dans le monde s’améliorent progressivement de même que l’ouverture à l’expression politique (voir tableau 3).

 

Tableau 3 : Classification des sociétés de l’information de l’Asie-Pacifique à partir du cadre des 8 C

Type

Caractéristiques

Exemples

Restrictif

1. Infrastructure de TIC très limitée
2. Usage fortement contrôlé par le gouvernement
3. Sensibilisation très faible de la population

Corée du Nord

Embryonnaire

1. L’infrastructure de TIC commence juste à être déployée
2. Les organismes donateurs financent et offrent des ressources humaines
3. La plupart de l’activité TIC est tirée par la diaspora, les ONG

Afghanistan, Timor oriental

Émergent

1. L’infrastructure internet existe dans les régions urbaines
2. Les capacités locales existent  
3. Les organes politiques sont formés
3. La fracture numérique est importante 
5. Le commerce électronique n’est pas encore prévalent

Népal, Bangladesh

En négociation

1. Il existe une bonne infrastructure internet et sans fil
2. Les capacités locales et les marchés existent pour les TIC et le commerce en ligne
3. Le gouvernement « négocie » les avantages des nouveaux médias et les défis qu’ils représentent (les autorités exercent un fort contrôle sur le contenu en ligne, les moteurs de recherche, et la censure politique et culturelle de l’internet est pratiquée)

Chine

Intermédiaire

1. Il existe un marché important pour l’internet, le commerce en ligne et le sans fil
2. La fracture numérique est toujours un problème, les donateurs sont actifs
3. Climat politique généralement libre de censure pour les médias traditionnels et en ligne

Inde, Philippines

Évolué

1. Pénétration de l’internet et du sans fil à grande échelle
2. Modèle fonctionnel évolué pour le contenu en ligne
3. Climat politique généralement libre de censure pour les médias traditionnels et en ligne

Australie, Nouvelle-Zélande

Avancé

1. Très forte pénétration de l’internet large bande et sans fil (y compris 2,5 G et 3 G)
2. Climat politique généralement libre de censure pour les médias traditionnels et en ligne
3. Certaines entreprises de TIC sont des acteurs importants sur le marché mondial (modèles de contenu sans fil[2] exportés)

Japon, Corée du Sud

 

Références

Bhatnagar, S. et Schware, R.,  Information and Communication Technology in Development: Cases from India. New Delhi: Sage Publications, 2000.

Castells, M.,The Internet Galaxy: Reflections on the Internet, Business, and Society,Oxford, Oxford University Press, 2001.

Gallagher, L. et Turnbull, G.,Telecommunications in Action,Londres, The Regency Foundation, 1999.

Rao, M.,The Asia-Pacific Internet Handbook,New Delhi, Tata-McGraw-Hill, 2002.

Quarterman, J.,The Matrix: Computer Networks and Conferencing Systems Worldwide,Digital Press, 1990.

Ramanathan, S. et Becker, J.,Internet in Asia,Singapour, Asian Media and Information Communication Centre, 2001.

Tan, F., Corbett, S. et Wong, Y.,Information Technology Diffusion in the Asia Pacific: Perspectives on Policy, Electronic Commerce and Education,London and Hershey, Idea Group Publishing, 1999.


Notes de bas de page

[2]Reconditionnement de contenus nationaux pour des canaux sans fil dans d’autres pays.